Le développement durable et les ETI : un incontournable.

La démarche RSE connait une accélération dans les entreprises de taille intermédiaire, qui y adhèrent de manière volontaire. Elles y voient désormais moins une contrainte qu’un levier de développement.

Constat

Depuis 2001, les entreprises côtées en bourse ont le devoir d’indiquer dans leur rapport annuel une série d’informations relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités. Différents textes législatifs ont par la suite encadré ce qui est communément appelé RSE, pour Responsabilité sociale des entreprises. Un concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes.

Sylvie Casenave-Péré a sauvé son entreprise grâce… à la RSE. Quand elle reprend le flambeau de Posson-Packaging, en 1995, l’entreprise d’emballage basée à Louailles croule sous les dettes. La dirigeante prend alors la décision stratégique d’ancrer sa société dans le développement durable, de lui donner un impact positif sur la société, sur l’environnement. Voilà comment la « Responsabilité sociale des entreprises » est devenu un mantra.

Et c’est un succès. Depuis 2001, Posson-Packaging affiche une croissance à deux chiffres, entre autres parce qu’elle a su se différencier des autres acteurs du secteur : carton recyclé, encres végétales… « Mon entreprise est la preuve vivante qu’il est possible de faire du chiffre grâce au développement durable », analyse Sylvie Casenave-Péré. S’il y a longtemps eu débat, c’est aujourd’hui devenu une évidence : comme les grands groupes, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont tout intérêt à se lancer dans le développement durable.

Implantées sur tout le territoire (78 % des sites sont en régions), les ETI surperforment en innovant, investissant, embauchant et exportant plus que la moyenne. « Le développement durable, c’est dans leur gène », affirme Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti). Leur implantation dans les territoires et leur histoire familiale leur confère une ouverture naturelle sur leur environnement social et écologique. »

Stratégie

D’après une étude de Bpifrance, 50 % des dirigeants de PME-ETI ont fait le choix d’une démarche RSE, et 26 % d’entre eux ont une démarche structurée autour d’un plan d’actions. L’étude montre aussi que la part des entreprises qui font de la RSE croît avec le nombre de salarié́s : 23 % dans les PME, et jusqu’à 54 % dans les ETI. Des chiffres à relativiser : toutes les ETI ne formalisent pas explicitement leurs efforts en matière de développement durable dans la RSE.

Alors qu’elle pourrait être perçue comme une contrainte, la démarche RSE est en fait un choix volontaire, dans lequel les patrons d’entreprises voient un levier de croissance. Spécialisé dans les travaux publics, le groupe ETPO, a décidé d’aller plus loin que la publication obligatoire du rapport de performance extra-financière lié à sa présence en Bourse. « On a mis en place le projet RSE en 2016, et cette année-là, on fait 20 % de chiffre d’affaires en plus », relate Olivier Tardy, le PDG de cette ETI qui emploie 630 collaborateurs.

Dans le bâtiment toujours, le groupe Lingenheld, implanté en Alsace-Lorraine, a fait le choix dès 1990, de dédier toute une branche de son activité à l’environnement. « Je maîtrise toutes les étapes du BTP, de la démolition des bâtiments à leur construction, en passant par le recyclage des gravats et la dépollution des sols », détaille Georges Lingenheld, PDG du groupe. Une décision stratégique, à contre-courant des pratiques dans le secteur du BTP, et prise dans une décennie où les questions écologiques n’étaient pas la priorité.

« Aujourd’hui, le sujet est devenu incontournable », estime Marc Jacouton, directeur du cabinet RSE Développement, qui conseille les PME-ETI en développement durable. Au-delà de la forte demande des clients pour des produits plus éthiques, et de la mobilisation des collaborateurs, les ETI sont parfois un maillon dans les chaînes de production des grandes entreprises. Celles-ci, obligées d’adhérer à une démarche RSE demandent plus de garanties et de traçabilité à leurs fournisseurs. « Il y a un effet d’entraînement, résume Marc Jacouton. On n’est plus dans le temps du pourquoi, mais dans le temps du comment. »

Mouvement de fonds

Ce « comment » était évident pour Benoît Rey, co-gérant de Areco, une entreprise qui commercialise des solutions d’humidification alimentaires et fait de la RSE depuis 2011. « La RSE, c’est un fil rouge d’amélioration », explique ce convaincu. Il applique les trois piliers du développement durable (économie, social et environnement), à tous les échelons de sa société : Areco fait partie des dix entreprises de la région PACA qui expérimentent la « compta durable ». Ce modèle de bilan, qui prend en compte les capitaux humains et environnementaux en plus du capital économique, permet de jauger la soutenabilité de l’entreprise. Un avantage concret pour Benoît Rey, qui y voit un moyen de donner de la valeur à son entreprise.

Cette accélération des démarches durables est suivie de près par le monde de la finance, de plus en plus enclin à financer les entreprises qui les mettent en œuvre. « Il y a un vrai mouvement de fond, analyse Sylvie Le Rumeur, directrice de l’assurance-vie chez UBS. Les clients demandent à investir dans des produits durables. » Les sociétés de gestion ont été très actives ces derniers mois pour renforcer leur offre durable (500 fonds existent, pour un marché de 185 milliards d’euros). Sans doute pour répondre à la demande des investisseurs, mais aussi du fait des dispositions de la loi Pacte qui obligera à intégrer des fonds labellisés (ISR, GreenFin, Finansol) dans les assurances-vie à partir de 2020.

Au-delà de l’aspect purement économique, la RSE est aussi une démarche sociale. C’est d’ailleurs cet argument qui est le plus mis en valeur par les patrons d’entreprises : plus de 80 % d’entre eux se sentent responsables du bien-être des salariéśs, de la vie sociale locale ou de l’environnement, d’après Bpifrance. Un engagement qu’ils transforment en argument pour leur marque employeur. « Nous sommes une entreprise industrielle, mais nous n’avons aucun mal à embaucher », expose Sylvie Casenave-Péré, PDG de Posson-Packaging. Benoît Rey de Areco le reconnaît : « J’aurais plus de mal à recruter si je ne le mettais pas en avant. »

Si le développement durable est en pleine expansion au sein des ETI, il reste encore des progrès à faire. Le terme de RSE, trop connoté « grande entreprise » suscite la méfiance des entreprises plus petites qui y voient un discours formaté et insincère. Elles souhaiteraient un mot qui rende mieux compte de la particularité et de l’authenticité de leurs démarches. « Je préfère parler de PDE : performance durable de l’entreprise », s’amuse Benoît Rey, très investi à l’échelle de la région PACA pour y porter la bonne parole de la RSE. Car le plus dur reste encore de se lancer.

Crédit : L’Opinion